Préfets, à vos marques, prêts, expulser !!!
Source : Le Nouvel Observateur
LES PREFETS CONVOQUES PAR HORTEFEUX
3 questions à Brigitte Wieser, membre active du réseau éducation sans frontières
"Les mauvais élèves sont convoqués"
Une vingtaine de préfets convoqués au ministère de l’Immigration. Comment réagissez-vous ? Etes-vous étonnée ?
Etonnée, non. Nicolas Sarkozy faisait la même chose lorsqu’il était à l’Intérieur. Aujourd’hui, Brice Hortefeux convoque les mauvais élèves, ceux qui n’ont pas eu assez de bons résultats. Certains n’ont pas atteint leur objectif par négligence. Mais d’autres ont peut-être refusé, par une réelle volonté, de remplir cette mission indigne que leur a confiée l’Etat. Certains préfets s’interrogent peut-être sur leurs prérogatives, sur les contrôles au faciès, le démantèlement de familles, les expulsions, qui se multiplient actuellement. Les objectifs de chiffres n’ont aucun sens, et un certain nombre de préfets estiment, je l’espère, que ces mesures n’entrent pas dans les valeurs de la République. Nous, nous attendons que parmi ces hauts fonctionnaires, il y en ait qui disent non, qui rappellent qu’au-dessus des lois de circonstance et de la démagogie, il existe des valeurs en perdition aujourd’hui. J’espère que cette réunion au ministère de l’Immigration servira à cela.
Fin août, Brice Hortefeux lui-même a reconnu que le quota de 25.000 reconduites à la frontière en 2007 serait difficile à atteindre. Pourquoi ?
La question principale est : pourquoi ce chiffre de 25.000 ? C’est ce qui me parait le plus important. Je comprends parfaitement les chiffres du chômage, les chiffres de la Sécurité sociale ou du logement. Mais ici, il s’agit de vies. Ce chiffre est inacceptable. Il ne sert absolument pas à baisser le nombre de clandestins sur le territoire français, qui est estimé entre 200 et 400.000. Que représente le chiffre de 25.000 ? Moins de 10% du nombre de sans-papiers. Si on applique à la lettre ce quota, et en supposant qu’il n’y ait plus aucune entrée sur le territoire, il faudra 15 ans pour réduire complètement le nombre de clandestins. Finalement, ce chiffre entretient la terreur. Il pousse les familles à ne jamais sortir ensemble, de peur que ses membres soient tous expulsés. C’est lui qui fait que les élèves vont à l’école le matin la peur au ventre, ne sachant pas s’ils vont retrouver leurs proches à la fin de la journée. Tous les élèves sans-papiers connaissent un parent, un ami, qui a été expulsé. Souvent c’est le père qui en fait les frais, laissant la mère sans ressources. Ces expulsions sont choquantes pour tout le monde. Le préfet des Ardennes, qui suit à la lettre les recommandations ministérielles, enregistre le record d’expulsions. J’évoquerai juste le cas de ce jeune Tunisien, renvoyé dans son pays quelques jours avant son mariage. Hier, la famille Popov a passé toute la journée à Roissy. Elle a évité pour le moment l’expulsion mais elle est toujours dans un centre de rétention. Les deux enfants, âgés de 3 ans et 6 mois, n’ont rien eu à manger. La préfecture de Paris, plutôt en retard sur les chiffres, a comptabilisé en un mois autant de parents en rétention que sur toute l’année dernière. Les moyens utilisés : les contrôles au faciès à la sortie du métro, la lutte contre les ateliers clandestins, qui pénalise toujours les travailleurs sans-papiers, pas les patrons.
Avec la rentrée scolaire, qu’en est-il des expulsions d’élèves sans-papiers ?
Il faut savoir qu’aujourd’hui, des enfants sont en prison dans les centres de rétention. Les arrestations de parents augmentent énormément. Hier, à Paris, cinq parents ont été placés en garde à vue en une journée. La suite pour eux : centre de rétention, puis expulsion.
Sur le net : http://www.educationsansfrontieres.org/